Régionales 2010 : premières analyses et interrogations
Le point de vue du Réseau National sur les dernières élections... Abstention, Front National, Front de Gauche, PCF etc. Voilà un texte riche d'informations et d'enseignements...
Régionales 2010 :
premières analyses et interrogations
Les
dernières élections régionales témoignent de la crise persistante du système politique et
interrogent le Parti communiste quant à sa stratégie et son avenir.
C'est
pourquoi, pour des raisons d'efficacité et de respect de la démocratie, il faut
différer le congrès prévu en juin : s'il se tenait dans moins de trois mois, il
ne permettrait pas aux adhérents de participer à l'indispensable débat
approfondi qu'exige la situation, qu'il s'agisse des questions
essentielles posées à la société ou de l'existence du Parti demain.
Nous livrons ici une
première analyse qui ne pourra que s'enrichir des discussions à venir au sein
du PCF.
Abstention et vote sanction
Atteignant
53,64% au premier tour (+ 20 points par rapport à 2004) et 48,8% au second tour
(+ 15 points), elle traduit le fossé croissant entre la représentation
politique, les institutions et le peuple et témoigne de la perte de confiance
dans le politique.
Elle touche
toutes les catégories sociales mais plus particulièrement les catégories
populaires : 62% des ouvriers se sont abstenus le 14 mars.
L'exclusion
croissante des plus exploités du système politique aboutit à une confiscation
de la vie politique par une minorité.
L'abstention
renvoie le PCF à l'affaiblissement de son lien avec le monde populaire qui
représente par nature l'essentiel de son électorat.
Par
ailleurs, avec 11,4%, le Front national a pu se maintenir au second tour dans
12 régions et obtenir une centaine d'élus. Il réalise ses meilleurs résultats
en Paca et dans le Nord-Pas-de-Calais. Face à la crise économique et à la crise
du système politique, son score confirme la permanence de ses idées et leur
pouvoir de nuisance.
Ceux qui se
sont mobilisés ont choisi majoritairement un vote sanction contre la droite et
le gouvernement, dont le premier bénéficiaire est le Parti socialiste. Tandis
qu'Europe Ecologie, sans retrouver son score des européennes, s'installe dans
le paysage politique.
Les résultats du Front de gauche
Dans cinq
régions la majorité des communistes avait décidé de se présenter avec le PS dès
le 1er tour et dans dix-sept le choix avait été celui du Front de gauche.
Dans trois de ces régions (Alsace, Franche-Comté, Poitou-Charentes) le
Front de gauche n'a pas atteint les 5%. Il réalise entre 5 et 10% dans 10 cas
et dépasse les 10% dans quatre régions où les listes étaient conduites par des
communistes populaires et clairement identifiés : Nord-Pas-de-Calais, Auvergne, Corse et Limousin. Dans les trois premières le PCF avait été à l'initiative de
listes indépendantes en 2004.
Si, avec 1
137 250 voix, le Front de gauche fait mieux que Marie-Georges Buffet aux
présidentielles (707 268 voix), son résultat reste cependant très loin des 9%
réalisés par les candidats communistes aux cantonales de 2008, avec 1 175 529
voix sur seulement une moitié de cantons renouvelables.
On peut
comparer les résultats avec ceux de 2004 dans quatre régions où le PCF avait
présenté des listes conduites par des communistes : Nord-Pas-de-Calais avec
Alain Bocquet, Ile de France avec Marie-Georges Buffet (liste de Gauche
populaire et citoyenne), Auvergne avec André Chassaigne (liste de large
rassemblement) et Corse avec Dominique Bucchini.
- En
Auvergne, André Chassaigne, qui a mené une campagne de dirigeant communiste,
réalise le meilleur score national avec 14,26% et un gain de plus de 13 000
voix sur 2004. Notons qu'entre les premiers tours des législatives de 2002 et
2007, le candidat communiste A.Chassaigne était passé de 9 664 voix et 22,90% à
43,76% et 17 979 voix. S'il y a bien dynamique, elle ne semble pas avoir
attendu le Front de gauche pour se manifester.
- Dans le
Nord/Pas-de-Calais, la liste conduite par Alain Bocquet obtient 10,8% ( +0,12%
par rapport à 2004) et 132 435 voix (-40 000).
- En
Ile-de-France, la liste conduite par Pierre Laurent perd en pourcentage et en
voix. 189 193 voix et 6,55% en 2010 pour 263 920 voix et 7,20% en 2004, soit
-74 727 voix. En Seine-Saint-Denis, le Front de gauche perd 3% et 20 646 voix.
Ce résultat confirme les défaites aux municipales et la perte du Conseil
général en 2008 et interroge quant aux résultats de nos dirigeants.
- Reste la
Corse où Dominique Buccini réalise une belle performance puisqu'il multiplie
ses voix presque par 3. C'est une dynamique exceptionnelle dans une région
exceptionnelle.
Il faut
souligner également le très bon résultat obtenu dans le Limousin au premier
(13,13%) comme au second tour (19,10%) par la liste de large rassemblement,
allant bien au delà du Front de gauche, ayant comme tête de liste un communiste
clairement identifié, Christian Audoin.
L'analyse
affinée des résultats du Front de gauche confirme d'ailleurs que pour
l'essentiel ils sont dus à l'électorat le plus mobilisé du PCF.
Si le Front
de gauche apparaît comme la première force de "la gauche de la
gauche" - dont le total de voix cumulées est en baisse par rapport à 2004
et aux européennes de 2009 -, il ne profite pas pour autant du recul du NPA et
de Lutte ouvrière.
Ses résultats n’en font pas une force alternative
au PS et au social libéralisme. Il se confirme finalement l’absence d’une
dynamique populaire nationale qui se traduirait dans le vote et permettrait de
faire reculer l’hégémonie du PS et de ses alliés.
Moins d'élus communistes
Le nombre de conseillers régionaux communistes passe de 191 en 2004 à
64 sur un total de 102 pour l'ensemble du Front de gauche.
Cette perte des 2/3 des élus communistes est directement liée au
choix du Front de gauche. Il a fallu négocier deux fois. Une première fois avec
nos partenaires du Front de gauche, sans aucune référence possible à des choix
antérieurs des électeurs. Une seconde fois avec un PS arrogant en raison de son
résultat alors que le poids des écologistes a augmenté. Comment imaginer une
gauche de combat plus forte dans les conseils régionaux avec des élus
communistes nettement moins nombreux ?
Par
ailleurs la division a coûté très cher en Picardie (aucun élu) où les
communistes auraient pu passer la barre des 10% s'ils s'étaient rassemblés sur
la liste conduite par Maxime Gremetz.
Pas d'élus
non plus en Languedoc-Roussillon, où la bataille menée par les communistes pour
la présence d'une liste autonome a contraint Martine Aubry à présenter la liste
Mandroux au premier tour : une basse manœuvre politicienne qui permet de
re-gauchir le blason du PS, tout en renforçant au final la réélection du
populiste Georges Frêche, soutenu par l'essentiel des élus socialistes de la
région.
En Picardie, Languedoc-Roussillon, Île-de-France, PACA... des
élus communistes sortants ont choisi de partir dès le premier tour avec le PS à
l'image de Robert Hue, contre l'avis majoritaire des communistes. D'autres, en
région parisienne, ont rejoint des listes d'Europe Ecologie. Nous
attendons toujours que la direction condamne ces attitudes qui brouillent un
peu plus l'image nationale du PCF.
Le Front de
gauche, force d'appoint du PS ?
Le congrès de décembre 2008 a acté la
volonté majoritaire des communistes de continuer le PCF.
La direction a imposé le Front de gauche en reprenant à son
compte l'exigence des militants de s'émanciper de la tutelle du PS, tout en accréditant l'idée que le Parti communiste
était trop faible pour aller seul à la bataille alors même que les cantonales
de 2008 témoignaient de nos capacités de reconquête. N'oublions pas non plus
que, quelles que soient les formes de rassemblement mises en œuvre, elles ne
pourrons déboucher sur les changements fondamentaux indispensables sans la
présence d'un Parti communiste organisé et influent.
Certains n'ont voulu voir dans le Front de
gauche qu'une nouvelle alliance tandis que d'autres annonçaient d'emblée leur
volonté d'en faire une nouvelle force politique.
Des communistes attachés à faire vivre et renforcer le PCF se
sont engagés dans cette démarche faute de mieux, avec la volonté que le PCF
pèse le maximum dans cette bataille, dans l'espoir d'une rupture avec une
politique d'alignement sur le PS.
Leur travail est un point d'appui important pour contrecarrer
les volontés liquidatrices et assurer l'existence à venir du PCF. Mais cela ne
modifie pas le sens général assigné au Front de gauche.
Nous récusons le Front de gauche considéré comme nouvelle
alliance parce qu'il se construit sur un modèle ancien d'union au sommet qui
tourne le dos au rassemblement nécessaire du peuple de France. Nous ajoutons
qu'en enfermant le PCF dans un cartel de petites organisations, il l'éloigne de
sa vocation à être un parti populaire, combatif, épine dorsale de toute la
gauche.
Il apparaît de plus en plus que le Front de
Gauche est l'embryon d'une nouvelle
force politique dans laquelle le PCF pourrait se fondre voire se réduire à un
courant.
Cette thèse d'une nouvelle organisation politique est portée par des dirigeants du PCF depuis
le congrès de Martigues. Récemment Marie-Georges Buffet déclarait: « Les
élus du Front de gauche continueront à
porter les programmes de notre campagne », évitant toute référence aux
élus communistes et à leur originalité. Et elle n'a pas sursauté quand Jean-Luc
Mélenchon a fait la proposition d'une candidature commune aux élections
présidentielles de 2012.
Sur les listes du second tour, toute référence au PCF a disparu
pour ne garder que le seul logo du Front de gauche et il y a fort à parier que
les groupes communistes dans les
assemblées régionales cèderont la place à des groupes Front de gauche.
Depuis plusieurs mois, le PCF est réduit par sa direction au
rôle de cheville ouvrière du Front de gauche et son horizon se limite aux
institutions. Cela lui tient lieu de stratégie et tous les efforts annoncés au
congrès sur les questions d'organisation sont restées lettre morte. Les
militants sont transformés en supplétifs de batailles électorales.
Localement, dans la diversité des situations, des militants font
vivre leur Parti, mènent le débat idéologique, participent aux luttes, prennent
des initiatives sur différents sujets. Mais cet effort n'est pas relayé au plan
national et c'est donc l'effacement qui l'emporte.
Enfin, le Front de gauche devait parait-il permettre de
s'émanciper du Parti socialiste. Force est de constater que dans la plupart des
régions, aucune condition de programme n'a été mise à notre participation aux
listes de gauche pas plus qu'aux exécutifs, à l'exception du
Limousin ou du Nord-Pas-de-Calais. A-t-on à cette occasion débattu d'autre
chose que de places éligibles ?
Tout cela réduit le Front de gauche à une force d'appoint du
PS.
Il y a comme un parfum de gauche plurielle dans l'air !
Le PCF à la croisée des chemins
En 2009 et 2010, le PCF a fait le choix de ne pas se présenter
sous ses couleurs à des scrutins nationaux.
Les communistes doivent regarder les choses
en face: si l'existence du PCF ne peut se limiter à sa présence dans les
élections et si l'avenir des exploités ne se limitera jamais aux moment
électoraux, le refus d'affronter les échéances électorales sous ses couleurs
aurait inéluctablement comme conséquence sa disparition en tant que parti politique. Ce n’est pas
parce qu’en dehors de la proportionnelle intégrale tous les modes de scrutins
sont malhonnêtes que nous devrions déserter le champ électoral.
Exister, c'est avoir le courage d'être présents dans toutes les échéances!
La direction du Parti voudrait nous imposer un congrès bâclé
d'ici juin pour continuer cette ligne d'effacement du PCF jusqu'à une
candidature unique aux présidentielles, imposer Pierre Laurent comme secrétaire
national, museler l'indispensable débat entre communistes par un
changement de statuts...
Ni les communistes, ni le peuple n'ont besoin d'un tel congrès qui conduirait
tout droit à l'effacement du PCF de la vie politique nationale. C'est pourquoi
nous demandons que le congrès soit différé pour donner aux adhérents le temps
et les moyens de la réflexion et du débat démocratique.
Les communistes ont besoin de s'armer idéologiquement dans une
période d'affrontement de classe intense, de prendre des initiatives leur
permettant d'être utiles au renforcement des luttes, de développer la
solidarité internationale, de reconstruire l'organisation communiste au plus
près des gens dans les entreprises et les quartiers populaires.
- Adressons-nous à ces millions de citoyens qui mesurent les
méfaits du capitalisme mais ne nous identifient pas comme utiles pour résoudre
les questions auxquelles ils sont confrontés.
- Gagnons notre légitimité dans les luttes pour la défense de
l'emploi, du pouvoir d'achat, de la retraite et des services publics.
- Prenons des initiatives pour construire la solidarité dans les
cités populaires et faire reculer la misère. Attaquons le capitalisme au cœur
en reconstruisant l'organisation communiste dans l'entreprise.
- Exigeons un référendum pour empêcher le coup d'état de Sarkozy
contre la réforme des collectivités territoriales.
Plus que jamais, faisons vivre et renforçons le Parti communiste
français.